L’histoire de 1922 à 1933

HISTOIRE DE LA SOCIETE MEDICALE BELGE DE SAINT LUC ASBL.

1922-1933.

Dr. Paul Deschepper

Suivant l’exemple de la Société de Saint Luc, Saint Côme et Saint Damien de Le Mans, plusieurs médecins bruxellois fondèrent une Société Médicale belge de Saint Luc le 23 février 1922. Le Dr. Le Bèle de Le Mans fonda sa société en 1884 dans le but d’unir des médecins ayant la même conviction religieuse dans des sociétés médicales. Il avait comme objectif d’appliquer les valeurs chrétiennes dans la pratique médicale, de propager l’idéal chrétien dans le corps médical  et d’étudier les questions médicales en relation avec l’enseignement catholique, la morale chrétienne et la sociologie.

Chez les intellectuels, il y avait trop fréquemment un déséquilibre entre leurs connaissances religieuses et leurs connaissances scientifiques. La pratique médicale n’échappait pas à ce déséquilibre aux dépens de la plus haute vertu chrétienne, celle de  l’amour du prochain.

Le Dr. Warlomont, aidé par le Dr. Goedseels prit l’initiative. Les membres fondateurs furent : les Dr. De Landsheere, Emile Van Hoeck et Wibo. Ils se donnèrent comme objectif de réunir les médecins croyants afin qu’ils approfondissent leur foi et s’en inspirent dans leur pratique médicale.

Le père Vermeulen s.j. de la résidence du  Gesù fut le premier aumônier.

La réunion fondatrice eut lieu le 23 février 1922. Le Dr. Morelle, professeur à l’Université catholique de Louvain fut le premier président, le Dr. Warlomont, médecin-généraliste dans l’Armée belge  le secrétaire-général, le Dr. Goedseels, secrétaire-adjoint et le Dr. Wibo trésorier.

Le premier numéro de la revue trimestrielle :’Bulletin de la Société Médicale belge de Saint Luc’ parut en août 1922 avec un avant-propos du cardinal Mercier.

Sous les auspices de la Société Médicale belge de Saint Luc fut fondé en décembre 1922 une société d’étudiants en médecine à Louvain : la ‘Jeunesse médicale de Saint Luc’ afin d’instaurer une formation de médecins catholiques de bonne qualité.

Le rapport du secrétaire-général de la Société Médicale belge de Saint Luc du 19 octobre 1924 mentionne qu’il y avait déjà 55 membres à Bruxelles et 15 ‘dans la province’.

En 1924-25  ils étaient respectivement 70 et 58.

Les réunions se tenaient à Bruxelles et traitaient de différents sujets médicaux. En avril 1925 le Dr. Vervaeck donna une conférence sur : « Littérateurs et toxicomanes ». Déjà à cette époque, on signalait le danger de la toxicomanie. Plusieurs écrivains étaient des toxicomanes. L’influence néfaste du livre : ‘Le sens de la mort’ de Paul Bourget fut cloué au pilori. On était conscient de la nécessité d’entamer une campagne de sensibilisation dans les milieux médicaux et paramédicaux.

Le 28 mai 1925 le conseil d’administration accepta les statuts de l’Aide médicale aux Missions catholiques du Congo belge (A.M.M.)

Un léger changement des statuts effectué au cours du conseil d’administration du 5 février 1925 permit l’acceptation de trois nouveaux membres : le Dr. Peeters, le Dr. Maroy et le Dr. Marchandise.

Les deux premiers numéros du Bulletin de la Société Médicale de Saint Luc de 1926 sont entièrement consacrés à la mémoire du professeur Morelle, le premier président décédé le 16 janvier 1926. Le numéro contient beaucoup de marques de sympathie et de reconnaissance de la part de ses confrères. L’oraison funèbre fut tenue par Mgr. Ladeuze, recteur magnifique de l’Université Catholique de Louvain.

Le conseil d’administration nomma, à l’unanimité des voix, au cours de la réunion générale suivante, le Dr.Wibo comme président.

La Société connut un succès grandissant. Les réunions, bien fréquentées, avaient lieu mensuellement à Bruxelles. La fête de Saint Luc fut célébrée avec beaucoup d’éclat après une retraite de trois jours !

Le rapport annuel de 1925-1926 met en garde  l’intégrité du médecin suite à des honoraires exubérants, au partage illicite d’honoraires et à l’absence de motivation sociale et chrétienne. On évalue la possibilité de fonder un Ordre des Médecins par analogie avec l’Ordre des Avocats. On réfléchit à la constitution d’un code de déontologie et de moralité.

Des cercles régionaux furent constitués. Le premier Cercle local de Saint Luc fut  fondé en 1926 à Charleroi par les Dr. Boval et Dufonteny. En juillet 1926, il comptait déjà 35 membres.

De pareils efforts furent menés à Mons et à Liège. Ce dernier cercle fut érigé en février-mars 1928 suivi par une Jeunesse médicale de Saint Luc en décembre. Des médecins catholiques constituèrent des Cercles à Verviers, Namur et Arlon. En décembre 1928, les statuts furent modifiés afin de permettre aux Cercles provinciaux d’élire leur propre conseil d’administration.

Le nombre de membres augmenta aussi en Flandre, ce qui faisait espérer en 1929 que de nouveaux cercles pourraient s’y développer.

Les résumés des conférences les plus importantes et les rapports des réunions statutaires parurent dans le Bulletin. Dès 1929, nous y trouvons des compte rendus d’articles parus dans la R.K Artsenblad des Pays-Bas et le Catholic Medical Guardian. Des critiques de livres paraissent dans la rubrique ‘Livres Journaux et Revues’

.

Le 20 octobre 1929, des premiers contacts furent pris en vue de fonder une société régionale à Anvers. Il existait de pareilles initiatives à Bruges, Courtrai et Gand.

Le 27 octobre 1930, le grand animateur et fondateur de la Société Médicale belge de Saint Luc, le général-médecin Warlomont, meurt à l’âge de 75 ans. Il fut  secrétaire-général pendant beaucoup d’années. Dès 1925, il investit toute son énergie  pour la ‘Société d’aide médicale aux missions’.

En avril 1930, un voyage à Rome fut organisé avec une audience au Pape Pie XI. SS. exprima beaucoup de louanges envers les activités des médecin catholiques belges. Le voyage de retour s’effectua via Naples, Florence, Milan Lugano et Lucerne.

En 1930,  le bulletin prit le nom de :’Saint Luc médical ».

D’autres associations de médecins catholiques furent constituées à l’étranger. En 1930 le ‘Consorcio de Medicos Catholicos’. Le 21 décembre 1931 fut fondé :’The Irish Guild of Saint Luke, SS Cosmas and Damian’. ‘The Catholic Medical Guardian’ mentionne l’existence de 15 ‘Catholic Medical Societies’ unies dans une ‘National Federation’. La plus active est celle de New-York, la ‘Manhattan Guild’ avec 400 membres! D’autres cercles de Saint Luc étaient florissants en Autriche, Angleterre, France, Hollande et Italie.

Le Dr. De Guchteneere publia dans le premier numéro de 1931 un article circonstancié sur l’encyclique Casti Connubii. Il publia aussi abondamment sur le Birth Control naissant dans les pays Anglo-saxons. La revue contient de plus en plus d’articles originaux. Fait intéressant : dans le numéro d’octobre 1930 du Catholic Medical Guardian paraît une contribution importante sur l’euthanasie !

La Société Médicale de Saint Luc de Namur fut fondée le 29 avril 1931 au Collège Notre Dame de la Paix. Le recteur du Collège, le père Mativa  donna la conférence  inaugurale.  Furent présents, comme représentants de la Société Nationale,  le Dr. Wibo et le Dr. Goedseels, respectivement président et secrétaire-général.

Le premier texte en langue néerlandaise parut dans le numéro 3 de 1931. C’est un rapport concernant la fondation de la ‘Sint-Lucas Medische Vereniging van Hasselt’. Cette Société de Saint Luc de Hasselt organisa avec succès le 13 décembre 1931 une conférence avec le professeur Schockaert de Louvain. Il traita d’une façon magistrale et avec beaucoup d’humour et de poésie le problème de l’anticonception. Le Cercle de Hasselt comptait à ce moment 52 membres.

La Société Médicale belge organisa un voyage aux Pays-Bas du 24 au 26 mai 1931. Le rapport poignant du Dr. Peeters de Courtrai se présente comme suit : « On arrive… La frontière. Le paysage est devenu morne, il attriste. On sent qu’on va quitter une chose aimée : la Patrie ! La douane s’avance. La consigne est sévère. Pas d’uniformes, mais des têtes !  Rien n’échappe à leur calme vigilance, pas même les petites autos, qui, spéculant sur la complicité  de leur taille voudraient glisser, mouettes inaperçues, le long des flancs de nos imposants paquebots sur roues.  La Hollande nous admet ! » Le trajet s’effectua par Breda, Tilburg, Bois-le Duc et Nimègue. C’est là qu’eut lieu, le lundi de la Pentecôte,  une rencontre avec la ‘Rooms Katholieke Artsenvereniging’. Les contacts furent à la fois solennels et chaleureux. Après l’allocution du Dr. Veeger, vice-président de la R.K. Artsenvereniging et celle du Dr. Wibo, le souhait fut exprimé de fonder une ‘Association Mondiale des Médecins Catholiques’. Après une visite au sanatorium Dekkerswald fondé par des médecins catholiques, la visite  prit fin avec un discours remarquable du prof. Van Remunde tant en Français qu’en Néerlandais. Les contacts avec les confrères néerlandais furent  considérés comme très positifs.

Du 13 au 15 novembre 1931, la Société Médicale belge de Saint Luc organisa au Palais des Académies à Bruxelles un ‘Congrès de la Natalité’. Le président d’honneur fut le cardinal Van Roey ; l’abbé Jacques Leclerq et le Dr. De Guchteneere furent les organisateurs.

La Réunion Statutaire de 1931 eut comme thème principal le 10ième anniversaire de la Société. Début 1922, il y avait 5 membres, dix ans plus tard 500 ! Des Sociétés locales existaient à Charleroi, Verviers, Liège, Namur, Hasselt et Sint-Niklaas. Des cercles médicaux avec les mêmes objectifs existaient à Anvers et Bruges. ‘La ‘Jeunesse médicale de Saint-Luc de Bruxelles’ comptait 200 membres. Le bimensuel ‘Saint Luc Médical’ était publié à mille exemplaires.

Les Dr. Nolens et Bolens furent les fondateurs du Cercle de Hasselt, les Drs. Vennens et De Smedt,  les fondateurs  de celui de Sint-Niklaas.

Le 14 février 1931,  la Société  obtint le statut d’une asbl. Le Père Vermeulen reçut l’aide d’ un théologien,  le Père Racot.

Dans le numéro 6 de ‘Saint Luc Médical’,  nous trouvons un article consacré à la ‘Stichting van eene Vereniging van Sint-Lucas voor Katholieke Geneesheren van het Land van Waas’, le président fut le Dr. Paul De Smedt. La première réunion eut lieu au ‘Klein Seminarie’ de Sint-Niklaas. Le supérieur, le Rév. Chanoine Vercruyssen  fut chargé de l’accompagnement spirituel. La nouvelle section compta quinze membres. Les premières conférences du Chanoine Vercruyssen traitaient des sujets suivants :’L’Eglise catholique une communauté’, ‘La grâce, un don de Dieu’, ‘L’Eucharistie, un lien entre Dieu et l’homme’. Le Dr. De Smedt  donna comme conclusion : « Nous avons amorcé le travail ici en Flandre, Hasselt nous suit. Pouvons-nous compter, médecins catholiques des régions flamandes, sur votre soutien et votre collaboration ».

Le 27 décembre 1931, eut lieu la réunion inaugurale de la :’Sint-Lucas Doctorsgilde van Antwerpen’ sous la présidence du Dr. Possemiers. Une messe fut célébrée dans la chapelle de l’Eglise Saint-Augustin ; elle fut suivie d’une réunion solennelle sous la présence du bourgmestre Van Cauwelaert. Un peu plus tard un vent de tempête se déclencha au sein de notre profession. La question linguistique éclata avec violence et divisa le corps médical en deux camps. Le feu se déclara également dans notre Société comme telle et l’on prit la décision de stopper toute  activité. Après mûre réflexion,  la décision fut prise que la langue flamande soit acceptée dans le Conseil d’Administration sous garantie que chacun puisse être libre de s’exprimer dans les deux langues.

Du 14 au 16 mai 1931, la Société partit en voyage, cette foi vers Lisieux, Caen, Deauville, Evreux et Versailles.

La réunion fondatrice de la ‘Brugse Sint-Lucasgilde’ eut lieu le 17 juillet 1932. L’allocution inaugurale fut tenue par le Dr. Reynaert. Il souhaitait la bienvenue aux médecins catholiques de l’arrondissement de Bruges  et se réjouissait de la présence de Mgr. Callewaert, président du Grand Séminaire de Bruges. Celui-ci présenta une conférence sur : ‘L’idéal  de vie du médecin catholique’. Après Anvers, Hasselt et Sint-Niklaas, Bruges nous rejoignait. Le Dr. Warmoes, rapporteur trouvait que ce n’était guère brillant pour une Flandre  aussi catholique…

La 11ième Assemblée Statutaire eut lieu le 23 octobre 1932. On y présenta un rapport circonstancié sur le ‘Congrès de la Natalité’ qui eut lieu au Palais des Académies du 12 au 15 novembre 1932. Les sessions eurent lieu dans la grande salle à cause du grand nombre d’auditeurs. Les organisateurs furent le Dr. De Guchteneere, le Dr. Wibo et l’abbé Jacques Leclercq.

La Guilde d’Anvers comptait en 1932 cent membres, à Bruges, il y en avait quarante dès le début. Dans le même rapport, nous trouvons une information sur les activités de la ‘Société Médicale belge Liégeoise de Saint Luc’ sous la présidence du Dr. Derouaux. L’aumônier, le Père Kieselstein fut apprécié pour ses causeries religieuses concises. Le Dr. A. Wéry en était membre depuis 1932 ; à cette époque, le Cercle de Liége comptait 85 membres. Des dizaines d’années après la disparition du Cercle Liégeois, son fils continua d’assister à nos  réunions statutaires annuelles.

Le 6 novembre 1932, la section de Charleroi organisa une journée médico-psychologique. Elle fut suivie par environ 400 membres issus de l’enseignement  libre et de l’état. Le Dr. Boval, président, fit un exposé d’introduction concernant la respiration nasale chez l’enfant avec des commentaires anatomiques et physiologiques. Ceci, comme introduction à la pathologie des adénoïdes. Le Dr. Badot fit ensuite un exposé sur la pathologie oculaire avec une attention spéciale aux troubles oculaires chez les enfants. Le Dr. Dorzée  traita l’hérédosyphilis et le Dr. Delforge  la rachite et la tuberculose. Le Dr. Gailly termina par un exposé sur les troubles mentaux chez les enfants.

Le 9 septembre 1932, la Lucasgilde d’Anvers  eut son Assemblée Générale. L’abbé Vercruyssen, supérieur du Klein Seminarie de Sint-Niklaas, donna un exposé sur le rôle du médecin catholique suite à l’encyclique Quadragesimo anno.

Le Dr. Reynaert, président de la Guilde de Bruges, mourut le 12 décembre 1932. Il fut le chef de service de chirurgie de l’Hôpital Saint-Jean. Le Dr. De Laye de Heist lui succéda. Le Dr. Van de Calseyde devint vice-président. En 1933, la Guilde de Bruges organisa quatre conférences avec une assistance allant de quinze à vingt auditeurs.

La Société de Saint Luc de Mons fut fondée solennellement le 20 novembre 1932. Le Dr. De Guchteneere fit un exposé brillant sur :’Progrès de la lutte anticonceptionnelle en Europe’. Il mentionnait entre autre une clinique d’avortements à Moscou où l’on pratiquait plus de soixante avortements par matinée !

Le voyage annuel de 1933  avait Vienne comme  but afin de faire connaissance avec la Guilde autrichienne de Saint Luc. Le voyage s’effectua via Zürich, Innsbrück et Salzburg. Le voyage de retour se fit par  Nürnberg, Frankfurt, Wiesbaden et Koblenz, le tout pour la somme de 3000 francs belges !

Le 30 avril 1933 eut lieu un hommage solennel au Dr. Possemiers, président de la Guilde d’Anvers. Cette Guilde se développa au sein  de la ‘Vereeniging van Katholieke Geneesheren’ réunis en 1913 avec l’objectif de défendre les droits des médecins catholiques qui avaient été exclus des hôpitaux de l’assistance publique. Cette société s’affaiblit avec le temps pour disparaître en 1929 et c’est grâce au Dr. Possemiers que les médecins catholiques se rejoignirent dans la Guilde de Saint Luc.

Un week-end religieux pour médecins eut lieu à Tronchiennes du 20 au 21  mai 1933.  Le rapporteur  usa le terme de ‘villégiature de l’âme’ ! Pendant ces journées, on décida de fonder une Guilde de Saint Luc à Courtrai. La première réunion générale eut lieu le  29 juin 1933 avec une quarantaine de confrères. Le doyen Camerlynck de Courtrai présida la séance. Le père Vermeulen s.j. donna une information sur le but et les activités de l’association, et l’abbé De Clippele, aumônier, commenta  la vie de Saint Luc comme compagnon de voyage de Saint-Paul.

La journée de Saint Luc national eut lieu à l’hôtel Astoria à Bruxelles. Tous les Cercles et les Guildes avaient envoyé une délégation, environ cent confrères. Ils furent accueillis par le Dr. Wibo, président national. Il effectua son discours de circonstance non seulement en français mais aussi en néerlandais ce qui réjouit les confrères flamands qui se sentirent enfin reconnus.

La Jeunesse de Saint Luc de Louvain se plaignait que les 1200 étudiants en médecine ne s’intéressaient qu’à une formation scientifique, laissant toute autre formation sur le côté.

Un groupe de six étudiants éprouvèrent la nécessité de refonder  à Louvain un cercle de Saint Luc. Cette ‘Jeunesse médicale de Saint Luc à Louvain’  naquit le 6 novembre 1933.

La première conférence eut pour thème : ‘Lourdes et la médecine’. D’autres exposés suivirent ainsi qu’une visite aux deux prisons de Louvain. En sortant de  la prison centrale,  les étudiants  se mirent à crier : « A nous la liberté ! ».