Euthanasie pour souffrances psychiques non-terminales

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La Société Médicale Belge Saint-Luc apprend avec une grande inquiétude la décision du « groupe » belge des Frères de la Charité de rendre possible l’euthanasie pour souffrances psychiques dans des situations non-terminales. Il est d’avis que la justification de cette décision est insuffisante tant du point de vue personnaliste que chrétien. L’euthanasie de patients pour des souffrances psychiques non-terminales n’est pas en la faveur du patient, ni de la société et nuit aussi au témoignage chrétien de la congrégation dans notre culture.

Le texte de vision de mars de cette année à ce sujet défend « une éthique relationnelles des soins sur base personnaliste », où « une valeur ne peut jamais être considérée comme absolue, ayant inconditionnellement priorité sur d’autres valeurs, mais « comme une valeur fondamentale qui peut être pesée contre d’autres valeurs dans une vision personnaliste de l’homme ». Cela concerne donc aussi la valeur fondamentale de l’inviolabilité de la vie. Celle-ci peut être « mesurée », selon les Frères de la Charité de Belgique, à la valeur de l’autonomie en tant que patient. Cela signifie que finalement, toutes les valeurs, dont celle de l’inviolabilité de la vie, sont relatives.

Des valeurs très différentes sont ainsi placées sur un seul et même niveau afin de les mesurer les uns aux autres. La valeur de l’autonomie du patient ne peut cependant jamais se positionner au même niveau que la valeur de l’inviolabilité de la vie, puisque justement, dans l’euthanasie, on élimine l’autonomie du patient : donner la mort, même à la demande expresse du patient « autonome », détruit son autonomie une fois pour toute. L’argument de l’euthanasie fondé sur la volonté autonome du patient est donc « auto-réfutant », et cela n’inclut pas uniquement les personnes souffrant de troubles psychiques.

Par la suite, il a été suffisamment démontré par des experts qu’il n’y a pas de raisons objectives pour l’euthanasie pour souffrances psychiques dans une phase non-terminale de la vie. Beaucoup d’entre eux trouvent que l’euthanasie devrait être interdite dans ces cas, d’autant plus que la détresse psychologique ne semble pas toujours sans espoir. On peut aussi se poser de grandes questions telles que dans quelle mesure les personnes souffrant de troubles psychiques sont capables de pouvoir disposer de manière « autonome » de leur fin de vie. Cela ouvre grand la porte à des pratiques où c’est de facto plutôt l’environnement (personnel médical, famille, …) qui vont décider de la vie des patients psychiatriques. L’euthanasie peut devenir ainsi une solution « pratique » trop facile pour un « problème » social et familial.

Enfin, on note que le « groupe » belge des Frères de la Charité ne fait aucune référence à Dieu ou aux Ecritures. Le personnalisme que l’on tient est relationnel, mais dans une vision de l’homme où il n’y a plus de place pour (la relation à) Dieu, pour qui les personnes souffrant de troubles mentaux sont également créées à Son image et à Sa ressemblance –tradition chrétienne selon laquelle les Frères de la Charité de Belgique prétendent travailler. Selon cette tradition, chaque être humain est équipé d’une âme immortelle et espère et peut ainsi trouver sa destination éternelle auprès de Dieu. Les éventuelles conséquences possibles pour le patient de « la perspective de l’éternité » ou de Dieu, manquent totalement dans le texte de vision du « groupe » belge. Il y a toutefois à partir de cette perspective religieuse des raisons pour s’inquiéter sérieusement au sujet du suicide assisté ou de l’euthanasie.

La Société Médicale Belge Saint-Luc ne peut donc que regretter la décision. Cela n’est pas dans l’intérêt du patient, ni de la société qui semble, encore plus, pouvoir « chrétiennement » et légitimement « se débarrasser » de ce groupe de personnes si vulnérables, sur base du jugement subjectif du patient psychiatrique. Cette décision n’est également pas dans l’intérêt du témoignage chrétien dans la société de cette congrégation si respectable qui a fait et fait encore tant de bien pour les personnes souffrant de troubles mentaux, et dont le supérieur général, à partir de Rome, persiste à donner un exemple tellement différent et encourageant.

Vincent Kemme
Rédacteur en chef d’Acta Medica Catholica
Au nom de la Société Médicale Belge Saint-Luc

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